Tous les propos, idées et opinions exprimées sont celles de Sunil Sharma et ne reflètent en aucun cas celles de Circle Internet Financial, LLC.
Pouvez-vous vous présenter et revenir sur votre carrière ?
Je m’appelle Sunil Sharma, et je suis Head of Product Risk, Compliance & Data chez Circle Internet Financial, LLC. Avant de rejoindre Circle, j’ai travaillé pour Meta Platforms (anciennement connu sous le nom de Facebook) pendant plus de quatre ans dans plusieurs départements produits tels que Ads, Privacy et Metaverse. J’ai également passé quelque temps sur la protection de la vie privée de Novi (anciennement Diem et Libra), la division crypto de Meta.
Avant de rejoindre Meta, j’ai passé la majeure partie de la dernière décennie dans le domaine des Data Analytics, soit en tant que fondateur (BlueCoins, Sparkflows), soit en travaillant avec des startups (Medallia). Ayant passé la plus grande partie de ma carrière dans des startups, j’ai appris à apprécier les cultures où le rythme est rapide et où l’on met des idées et des technologies sur le marché tout en innovant. J’aime travailler avec des personnes qui ont un fort esprit entrepreneurial, ce qui est l’un des profils les plus répandus des Product Managers !
Quelles études avez-vous faites pour en arriver là ?
J’ai commencé en tant qu’ingénieur en informatique chez Infosys Technologies, l’une des plus grandes entreprises technologiques d’Inde. Après avoir obtenu mon Master en informatique au Rochester Institute of Technology à New York, j’ai continué dans ce domaine. Plus j’en apprenais sur les entreprises tech, plus je m’intéressais au Product Management, un rôle à la croisée des chemins entre les clients, la technologie et le business.
Mon mentor de l’époque m’a suggéré de faire un MBA pour entrer dans le Product Management. En 2010, alors que je poursuivais mon Master of Business Administration (MBA) à University of California, Berkeley Haas, je me suis orienté vers le Product Management. En tant que spécialiste de la résolution de problèmes axée sur l’utilisateur, j’ai toujours adoré mon rôle dans la gestion des produits. Je me vois bien devenir CPO dans quelques années.
Quand avez-vous commencé à vous intéresser à la Tech et la blockchain ?
En tant qu’enfant ayant grandi en Inde, j’ai commencé à m’intéresser à la Tech après avoir vu un jeune Indien dans un épisode de Jeopardy (une émission de quiz/jeux). Il était ingénieur en informatique et suivait un MBA à la Harvard Business School. Je n’avais aucune idée de ce que ces deux choses signifiaient à ce moment-là, mais d’une certaine manière, ce jeune homme m’a motivé. J’ai l’impression que le chemin de ma vie a été écrit ce jour-là.
Lorsque mon co-fondateur et moi avons construit Sparkflows et levé des fonds auprès d’investisseurs en 2017, nous brainstormions beaucoup pour trouver de nouvelles idées tech. À cette époque, le prix du bitcoin commençait à s’envoler. Nous nous sommes beaucoup intéressés au potentiel de la blockchain et, bien que nous ayons envisagé de l’utiliser pour les smart cities et les actes de propriété, nous n’avons pas poursuivi ces idées sérieusement. En 2018, j’ai rejoint Meta, et en 2019, lorsque Facebook a annoncé le projet de crypto-monnaie Libra, je me suis à nouveau impliqué dedans. Depuis, je suis activement engagé dans la blockchain, que ce soit en tant que passionné, investisseur et/ou conseiller.
Lire plus : “Qu’est-ce que la blockchain ?”
Vous avez quitté votre poste de Product Leader for Foundations & Experiences of Metaverse chez Meta pour travailler chez Circle en tant que Senior Director of Product. En d’autres termes, vous êtes passé du Métavers aux Stablecoins. Qu’est-ce qui a motivé ce changement ?
Travailler dans l’équipe Metaverse de Meta a été une expérience formidable et quitter l’entreprise a été l’une des décisions les plus difficiles que j’ai prises. J’ai appris sur la Réalité Virtuelle (VR), la Réalité Augmentée (AR), le hardware et le growth hacking.
Simultanément, au cours des 10 dernières années, il y a eu une tonne d’innovations et une croissance tellement rapide dans l’écosystème blockchain et crypto. Je suis de ceux qui pensent que la vie consiste à prendre des risques plutôt que de laisser passer des opportunités et de regretter plus tard d’avoir manqué quelque chose. Compte tenu de l’innovation mondiale, des progrès réglementaires et de l’intérêt renouvelé des grandes entreprises, je pense que le monde est plus proche que jamais d’atteindre son Product Market Fit dans l’écosystème blockchain, le tout d’une manière compliant.
La blockchain et le métavers mènent tous les deux à de belles carrières. Après une très longue réflexion, j’ai décidé d’orienter ma carrière vers celle qui est plus proche du Product Market Fit et dont l’exécution est en plein essor. À mesure que le monde devient plus ouvert, décentralisé, avec un focus sur la vie privée des utilisateurs et l’anonymat, je pense que les écosystèmes blockchain et Métavers vont converger.
Quel est selon vous le secteur qui connaîtra la croissance la plus importante ces 5 prochaines années ?
Je pense que le plus grand changement qu’apportera le Web3 concernera la propriété des données et de l’information, et que les utilisateurs en deviendront les propriétaires ultimes. Les utilisateurs auront les droits et le contrôle de décider quelle donnée ils souhaitent partager, avec qui, sous quelle forme et à quelles fins.
Avec cette préface, je pense que nous verrons la disruption sur toutes les industries où les utilisateurs ne possèdent pas leurs données et où les solutions sur mesure rendent le flux de données des utilisateurs difficile en raison d’un manque d’interopérabilité. Ainsi, selon moi, les industries qui sont les plus propices à la disruption sont :
- Le domaine de la santé, où les dossiers médicaux des utilisateurs sont éparpillés partout, pour aller vers un système où l’utilisateur les possède et les partage de manière sélective ;
- L’immobilier, où les systèmes, les process et la réglementation sont si différents d’un marché à l’autre et où le nombre de documents que l’on doit signer et protéger est accablant ;
- Le flux monétaire est le cas d’utilisation de facto le plus important sur lequel s’appuient la plupart des industries, et celui que nous voyons aujourd’hui sera disrupté. Les flux d’argent deviendront ultra rapides, transparents et gratuits, et les services bancaires tels que nous les connaissons subiront le plus grand changement de notre vie, alors que de nouveaux cas d’usages et business models émergeront, que nous ne pouvons même pas imaginer à l’heure actuelle.
Nos actifs seront également disruptés, qu’il s’agisse de notre parcours de vie, nos expériences, etc. Ceux-ci tourneront autour :
- Des actifs physiques ou virtuels que nous possédons, notamment les voitures, les maisons, les montres, les chaussures, les adhésions à des clubs ;
- Des billets à court terme que nous achetons, tels que les billets d’événement, les billets d’avion et les billets de spectacle ;
- De notre parcours de vie, par exemple notre identité, nos diplômes et certificats d’études, nos dossiers médicaux, nos expériences professionnelles, nos personnes à charge, etc. En bref, nous commencerons à “posséder” notre identité et nous en aurons la propriété, l’authenticité et l’intégrité afin de la protéger contre le vol, les abus et la fraude grâce à un système ouvert, mondial et permettant une vérification infaillible.
Lire plus : “Qu’est-ce qu’un stablecoin?”
Circle a créé le stablecoin USDC et plus tard le stablecoin EUROC. Pourquoi est-il si important pour cet écosystème d’avoir des stablecoins ?
Les monnaies numériques comme l’USDC et l’EUROC ont une utilité qui va bien au-delà de l’écosystème Web3. La possibilité de réaliser des transactions qui vont à la vitesse de l’internet pour un très faible coût supprime les frictions financières et ouvre la porte à une plus grande inclusion financière. Par exemple, Circle a récemment annoncé un partenariat avec Coinme et la Stellar Development Foundation pour permettre la conversion de monnaie FIAT en USDC sans compte bancaire, un grand pas pour aider à embarquer les populations non bancarisées vers le service financier digital.
Les paiements transfrontaliers utilisant des actifs numériques comme l’USDC et l’EUROC ont la capacité d’assurer la transparence des flux de paiement, rendant ainsi ces paiements plus résistants à la corruption.
Pourquoi avez-vous choisi de créer des stablecoins centralisés ? N’est-ce pas contraire aux valeurs de Web3 ?
Circle a toujours donné la priorité à une posture de “regulation-first” (ndlr. la réglementation avant tout) pour l’USDC. Circle croit en la confiance et la transparence, et nous avons construit l’USDC sur la base de ces valeurs essentielles. Nous avons choisi de créer une monnaie numérique de réserve pour minimiser le risque pour les détenteurs d’USDC et créer une utilité de valeur comme pour les paiements.
Circle est réglementée en tant que société de services financiers et agréée en vertu des licences de transmission d’argent de l’État. Circle est également enregistrée en tant que “Money Services Business” (MSB) auprès du Département du Trésor américain, ce qui signifie que nous adhérons aux exigences de conformité KYB/AML et aux exigences de conformité en matière de crimes financiers.
Lire plus : “Qu’est-ce que le Web3?”
Compte tenu des événements récents (le depeg de l’UST), y a-t-il encore un avenir pour les stablecoins algorithmiques ?
La récente implosion de Terra USD (UST) et de son écosystème connexe confirme l’idée que tous les stablecoins ne sont pas créés de la même manière. En fait, l’expression “stablecoin” doit être utilisée et appliquée avec précaution. L’avenir des stablecoins algorithmiques dépendra en grande partie du cadre réglementaire qui sera mis en place, compte tenu des risques fondamentaux liés à cette catégorie d’actifs numériques. Chez Circle, nous croyons fermement en une réglementation claire des actifs numériques qui vise une économie mondiale ouverte et inclusive pour les entreprises, les consommateurs et les investisseurs. Grâce à une réglementation réfléchie, les gouvernements peuvent donner à leurs citoyens les moyens d’effectuer des transactions en toute sécurité et sans friction au-delà des frontières.
Que pensez-vous de l’utilisation de la technologie blockchain par les entreprises traditionnelles (non Web3) ? Se contentent-elles de copier-coller des projets Web2 et de les appliquer sur Web3 ou comprennent-elles vraiment les enjeux du Web3 ?
Il existe un certain nombre de cas d’usages fondamentaux qui sont connus depuis des générations. Prenons le commerce, le transport, l’éducation, la gouvernance, l’échange de valeurs, la sécurité, la santé, l’emploi, la musique ou encore la nourriture pour ne citer qu’eux. Au fur et à mesure que la technologie évolue, les moyens de fournir ces services évolue pour devenir plus rapide, plus économique et plus efficace, ouvrant la voie à de nouveaux modèles économiques. Le Web3 améliorera la manière dont ces cas d’usages de base sont fournis en même temps qu’il évoluera. Cela ne signifie pas que les méthodes de diffusion actuelles du Web1 et du Web2 disparaîtront. Les entreprises existantes continueront à les proposer, même si leur part de marché diminuera au profit de technologies plus récentes. Dans le même temps, de nouveaux utilisateurs entreront dans l’écosystème à mesure que le gâteau s’agrandira.
De nouvelles entreprises vont naître avec le Web3 (appelons-les des disrupteurs), et les entreprises en place vont continuer à offrir ces cas d’usages aux futurs utilisateurs du Web3. La plupart des disrupteurs, qui n’ont pas encore mis en place de technologie existante, construiront ces cas d’usages à partir de zéro, d’une nouvelle manière native, sur les API disponibles pour le Web3 et la blockchain. Dans le même temps, les opérateurs historiques essaieront d’exploiter au maximum ce qu’ils ont mis en place aujourd’hui pour Web2 afin d’accélérer la compatibilité de leur technologie avec Web3. Nous savons cependant qu’il est plus rapide, plus simple et moins coûteux de construire quelque chose à partir de rien que d’essayer de réorienter, de reconditionner et de réarchitecturer ce qui existe déjà pour l’adapter à l’objectif de demain. Étant donné qu’une toute nouvelle architecture est en train d’être développée de bas en haut pour le monde du Web3, il sera relativement plus difficile de réadapter et de s’intégrer dans ce nouvel écosystème.
En résumé, il ne sera pas facile de simplement copier-coller la technologie Web2 sur Web3, même si les cas d’usage sont les mêmes. Certaines entreprises réussiront à passer de Web2 à Web3 et à faire migrer leurs offres, mais les expériences utilisateur natives construites pour le Web3 seront définitivement plus fluides et plus faciles à fournir, même si cela demande plus de travail pour y parvenir.