En 2006, Spotify sauve une industrie de la musique qui peine à faire face à l’arrivée d’Internet. La vision profondément libérale, pro-artiste, de ses fondateurs, Daniel Ek et Ludvig Strigeus, est rapidement confrontée à la réalité de l’écosystème – chasse gardée des gros producteurs.
Ceux-ci ne permettent pas à Spotify de disrupter la répartition de la valeur dans l’industrie, seulement son mode de consommation. “Mort du physique”, c’est le début de l’ère digitale.
Certes, mais la mainmise des Majors (Universal, Sony et Warner) n’a pas été esquintée. Si quelques artistes et labels indépendants réussissent à se faire connaître, les trois mastodontes gardent leur situation d’oligopole grâce à leurs moyens financiers et techniques.
Et si le Web3 était l’opportunité attendue pour rendre leur ownership, leur indépendance, aux artistes, et enfin casser le modèle des Majors ?
Pour une meilleure répartition de la valeur
L’industrie de la musique est réputée pour une répartition de la valeur particulièrement inégale. Les artistes sont largement bridés par les difficultés qu’ils rencontrent pour se financer. Les distributeurs numériques ne leur versent qu’une fraction de centime par stream, la plupart suivent donc l’une de ces deux voies :
- Prendre un emploi et mettre de côté leur carrière musicale ;
- Se diriger vers une maison de disque (pour ceux disposant déjà de certains contacts).
Pour les artistes signés en maison de disque, cette dernière contrôle généralement tous les aspects de la création. Ils doivent s’y plier au maximum sous peine d’en être exclus.
Depuis l’avènement des réseaux sociaux, la majorité des leads d’un artiste sont home-made. Les maisons de disque traditionnelles n’ont plus leur utilité d’antan. Le Web3 pourrait permettre une indépendance plus facile d’accès pour les artistes en capturant plus de la valeur créée par leur musique à potentiellement redistribuer à leur audience.
Par exemple, le projet français Pianity est une plateforme de streaming gratuite permettant aux artistes de mettre en vente leur musique sous forme de NFT. Les artistes se créent une nouvelle source de revenu et les auditeurs accèdent à des avantages exclusifs en payant (accès aux coulisses des concerts, à des sessions d’enregistrement, à des vinyles…).
L’entreprise vient de signer un accord avec la Sacem pour décider avec elle de la manière de répartir les droits d’auteurs dans les contrats attachés aux NFT.
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… et la création de communautés
En effet, le Web3 permet de s’engager avec ses fans à un niveau encore plus profond que sur les réseaux sociaux. Par exemple, il devient possible de tokenizer des instants importants : la présence à un concert, le signe qu’un fan a bien écouté un artiste dans ses premières heures, etc. En fonction de cela, un artiste pourrait proposer des expériences et/ou des avantages aux plus fidèles.
Nous pouvons également imaginer la possibilité d’acheter une partie des royalties d’un artiste.
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Les collectibles peuvent aussi permettre de réunir les artistes autour d’une même table pour se rencontrer, échanger des idées, créer des connexions et créer du contenu original.
C’est l’objectif du projet SongCamp. SongCamp propose des rencontres de création regroupant des équipes d’artistes organisées autour d’une DAO pour aller vers un but commun. En 8 semaines, les 75 artistes réunis lors du dernier camp ont créé 45 chansons exclusives réparties en 21 000 NFTs dont la valeur a été redistribuée équitablement aux artistes.
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Certains acteurs, comme le Mastercard Artist Accelerator ou l’agence Renaissance (en France), mettent en place des programmes pour guider les artistes dans le “Web3 Music”.
Projets des gros acteurs, prémisses d’un renouveau ?
En mai 2022, Spotify prend l’initiative de tester une vitrine de NFTs sur les pages d’artistes volontaires. En février 2023, l’’expérience s’élargit mettant en place un système d’accès à des playlist exclusives par la possession d’un token Creepz en partenariat avec Overlord.
Si l’expérience reste exclusive aux utilisateurs Android de certains pays (États-Unis, UK…), elle pourrait être une piste d’adaptation de la plateforme musicale à un avenir plus décentralisé.
Grand-frère de Spotify et disrupteur original de l’industrie sur le Web1, Napster a aussi des projets sur le Web3. Après son rachat par le fonds Hivemind et la blockchain Algorand (ALGO), le bourreau des ventes physiques entend bien réitérer la réalisation de ses fondateurs.
Dans son LitePaper V1, publié en juin 2022, l’entreprise décrit sa vision du futur musical. Elle y présente son token $NAPSTER et sa vision du futur de l’industrie.
Promesses du Web 3.0 pour la musique
« Nous entrons dans l’ère du streaming-plus de la musique, qui est l’un des rares secteurs d’activité à grande échelle où l’adoption de la technologie blockchain a un sens immédiat pour tout le monde », a déclaré Emmy Lovell, PDG par intérim de Napster.
« Le Web3 offre une chance d’approfondir, d’étendre et d’améliorer l’écosystème musical ».
Ses convictions, Emmy Lovell est loin d’être seule à les partager. Les promesses du Web3 sont grandes, celles d’une philosophie présente depuis le début du Web : moins d’intermédiaire, plus de relations en direct, pour de meilleures gouvernances et répartitions de la valeur.
Pour accueillir le grand public, le Web3 doit encore mûrir. Quoi qu’il en soit, l’industrie de la musique risque de vivre un nouveau bouleversement dans les années à venir.