Depuis l’avènement mondial des smartphones grâce à la commercialisation du premier iPhone en 2007, les réseaux sociaux ont pris une place très importante dans notre quotidien. Comment le Web3 pourrait-il révolutionner un marché si bien ancré dans nos vies ?
Tantôt adorés, tantôt controversés
Aux origines des réseaux sociaux
En sciences humaines et sociales, les réseaux sociaux sont un phénomène important prenant racines aux prémices de l’Humanité. On utilise en effet ce terme bien avant la démocratisation des réseaux sociaux tels qu’on les connait aujourd’hui, pour décrire les liens et les interactions d’un groupe d’individus autour d’une caractéristique commune (objectif, culture, …). Pourtant, si le phénomène était jusqu’alors bien connu des sociologues, les réseaux sociaux en ligne ont ouvert la voie à la création de communauté bien plus larges autour de nouveaux centres d’intérêts, car il n’y a plus de barrières physiques pour restreindre leur influence et leur étendue. Les ordinateurs, Internet, puis les smartphones ont fait passer les réseaux sociaux à l’échelle globale.
L’histoire des réseaux sociaux en ligne débute donc avec la création de SixDegrees en 1997. Celui-ci ne vous dit peut-être pas grand-chose, mais il a le mérite d’avoir ouvert la voie à des géants du secteur tels que LinkedIn en 2003, Facebook en 2004 ou encore Twitter en 2006. Malgré le contexte économique compliqué à la suite de la bulle technologique dans les années 2000, ces leaders et d’autres ont prospéré pour aujourd’hui se placer en incontournable dans la vie de plus de 4,5 milliards d’individus à travers le monde.
Les réseaux sociaux au cœur de l’économie de l’attention
L’adoption massive des réseaux sociaux s’inscrit parfaitement dans le développement de l’économie de l’attention. Concrètement, ce nouveau paradigme, qui gagne en popularité depuis le développement des NTIC, décrit une économie dans laquelle l’attention de l’utilisateur est la ressource rare que les entreprises doivent capturer auprès des consommateurs. En effet, dans la masse d’information que traitent les utilisateurs sur Internet, il est ne leur est pas possible de s’intéresser et de s’imprégner de tout ce qu’ils voient passer sur leur fil ; d’où l’idée d’un rapport de force inversé entre l’entreprise et le consommateur.
Les réseaux sociaux sont devenus le théâtre d’un business d’un nouveau genre autour des créateurs de contenus ou influenceurs, qui cherchent à créer du contenu (souvent gratuit) afin de capter l’attention des utilisateurs pour se constituer un pouvoir d’influence. Les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans cette économie de l’attention car ils fournissent l’infrastructure sur laquelle l’information est diffusée sous plusieurs formes (tweets, réels, photos, …) et permettent de valoriser le capital social des créateurs de contenu vis-à-vis des utilisateurs.
De l’adoption massive aux scandales éthiques
Pour autant, les réseaux sociaux sont loin de faire l’unanimité parmi ses utilisateurs. Leur importance dans nos sociétés n’est plus à démontrer, mais leur mode de fonctionnement fait de plus en plus débat au fil des problématiques et des scandales.
En 2013 notamment, les utilisateurs ont pris conscience de l’importance de la gestion des données personnelles. La société britannique Cambridge Analytica avait collecté un grand nombre de données d’utilisateurs de Facebook à leur insu grâce à un quizz publié à des fins prétendument académiques, qui permit ensuite à Donald Trump de manipuler l’opinion publique pendant sa campagne électorale grâce à une communication ultra personnalisée en fonction du réseau d’amis ou des centres d’intérêts des utilisateurs par exemple.
Lire plus : L’identité décentralisée : vers un monde d’utilisateurs souverains ?
Plus récemment, ce même homme politique fût banni de Twitter après avoir réfuté les résultats de sa seconde participation aux élections présidentielles et après avoir incité ses partisans à se faire entendre à tout prix. Si les propos de Trump ont effectivement mis le feu aux poudres, cette affaire pose tout de même la question de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux : faut-il garantir une liberté totale à la Elon Musk sur ces plateformes ? Faut-il plutôt réguler l’expression sur les réseaux pour éviter toute dérive ? Si oui, Twitter et les autres réseaux sont-ils légitimes pour juger de manière arbitraire ce qui est juste ou non ?
Lire plus : Rachat de Twitter par Elon Musk : Quelles conséquences pour les cryptos et NFT ?
Enfin, on sait aussi que les algorithmes utilisés par ces plateformes ne sont pas parfaits et surtout très opaques. Elles reproduisent les biais et les croyances humaines, et il n’est pas possible à l’heure actuelle de rendre compte de ces failles de manière intelligible pour l’ensemble des utilisateurs.
Les réseaux sociaux Web3
Qu’est-ce qu’un réseau social 3.0 ?
Sur le plan théorique, les réseaux sociaux et l’économie des créateurs de contenus se prêtent très bien à l’idéologie Web3, du fait que les réseaux sociaux reposent sur le temps, la création et l’engagement de tous les utilisateurs pour fonctionner, à la manière d’un protocole décentralisé qui récompense ses utilisateurs pour l’utilisation et la gouvernance de l’algorithme.
On peut définir un réseau social Web3 comme étant une plateforme permettant aux individus d’échanger entre eux, grâce à l’utilisation de la technologie blockchain et de smart contracts. Ils partagent donc des caractéristiques propres à la technologie sous-jacente telles que :
- La sécurité des données qui transitent sur le réseau*
- La transparence totale des flux d’informations / financiers
- La transparence des algorithmes utilisés
- La propriété numérique certifiée (de son profil, de ses publications, et de tout type de données)
Bien qu’il n’existe pas encore de modèle établi à grande échelle pour les réseaux sociaux Web3, le fait de construire ce type d’application sur une blockchain publique offre la possibilité de confier à terme la gouvernance du projet à sa communauté, et de récompenser toutes les parties prenantes (investisseurs, créateurs, utilisateurs, développeurs, ambassadeurs, etc …) en token pour la valeur qu’ils créent ; là où les réseaux sociaux Web2 capturent toute la valeur au détriment des utilisateurs.
Lire plus : Bluesky : le nouveau réseau social du père de Twitter
Globalement, ces caractéristiques permettent aux réseaux 3.0 de répondre aux problématiques (citées plus haut) que posent les plateformes actuelles, et de nombreux projets ont déjà commencé à expérimenter sur cette voie.
Deux géants Web2 contre leur alter égo Web3
Lens Protocol et Lenster
Le projet Lens, mené par l’équipe du célèbre protocole de lending AAVE, a été introduit au début 2022 et ne cesse depuis de gagner en popularité. En bref, Lens Protocol est une infrastructure sociale ouverte, détenue par ses utilisateurs.
C’est un cas assez particulier, qui n’a pas d’égal parmi les réseaux classiques car il n’est pas un réseau comme on les connait en soit, mais plutôt un « réseau de réseaux sociaux » permettant aux développeurs de créer une application sociale décentralisée dans l’écosystème Lens en profitant de la communauté du protocole et des vertus de la blockchain. Ce socle commun offre les outils nécessaires à la conception de réseaux sociaux Web3, mais il permet aussi de fédérer une communauté plus grande pour pouvoir concurrencer les plateformes Web2, qui bénéficient largement de l’effet de réseau pour garder leur position dominante.
Pour illustrer les potentiels cas d’usages de son infrastructure, l’équipe développe aussi Lenster, sa propre application sociale semblable à Twitter dans son design, mais plus compatible à l’écosystème Web3 (NFT et tokens) et surtout décentralisée, équitable et incensurable grâce au protocole Lens sous-jacent.
Medium VS Mirror.xyz
Moins en vogue que les principaux réseaux sociaux comme Twitter, Medium est tout de même une plateforme importante qui permet de créer du contenu au format long, en opposition totale aux formats habituels.
Si les utilisateurs peuvent effectivement lire / écrire du contenu de qualité, son alter égo Web3 propose une tout autre approche : sur Mirror.xyz, il est possible de lire, d’écrire, et de posséder. Les articles écrits appartiennent réellement aux rédacteurs car ils sont stockés sur le réseau décentralisé Arweave avec leur adresse Ethereum ; faisant de ces articles des éléments incensurables, accessibles à toute personne ayant une connexion internet, et résilients car indépendants de l’état de fonctionnement d’une plateforme centralisé (Medium). Les créateurs de contenu ont également plusieurs outils à leur disposition pour monétiser leur travail, en liant des NFT collectables à leurs articles, en proposant un abonnement directement via le wallet des lecteurs ou encore en créant des cagnottes pour un potentiel projet décrit dans un article.
Du côté du lecteur, l’expérience utilisateur est classique, à la différence près que l’interaction avec la plateforme se fait via un wallet plutôt qu’un compte avec adresse e-mail, ce qui permet notamment de mieux contrôler les données que l’on communique pendant l’utilisation, mais aussi de collecter les NFT liés aux articles pour mieux connecter avec son influenceur préféré et/ou sa communauté.
Quel avenir pour les réseaux sociaux décentralisés ?
En définitive, les réseaux sociaux décentralisés sont porteurs d’espoirs, autant sur la gestion de la vie privée des utilisateurs qu’au niveau de l’engagement avec différentes communautés / influenceurs.
Pour autant, cette industrie naissante devra relever de nombreux défis pour s’imposer dans notre quotidien, car les plus grands réseaux sociaux concentrent un grand nombre d’utilisateurs et profitent de l’effet réseau. Ils bénéficient également d’une immense base de données acquise sur plusieurs années, qui leur permet de créer un environnement sur-mesure et de maintenir sa base d’utilisateurs.
Au-delà de ces problématiques propres aux réseaux sociaux, les applications Web3 doivent aussi travailler sur l’accessibilité pour ces services, car la gestion d’un wallet, de phrases secrètes, d’actifs cryptographiques ne conviendra pas à tout le monde.
Lire plus : Snoop Dogg : de superstar à co-fondateur d’une startup Web3